Lectures et parutions récentes
Publié le 15 Octobre 2017
Après trois mois d'absence, je reviens vers vous avec un article dont vous commencez à être habitué : fourre-tout, mélangeant parutions récentes et mes lectures (toujours moins nombreuses que mes achats). Le problème de l'Histoire, et de la littérature également, c'est que les parutions sont rares en été. Dès lors, les mois de septembre et octobre sont l'occasion de découvrir les nouveautés... et elles sont nombreuses !
1. Les lectures
Tout d'abord, un roman. Deux hommes de bien d'Arturo Perez-Reverte (avril 2017). Il était conseillé dans ma librairie. N'ayant pas lu de romans depuis très longtemps, j'ai décidé de me risquer à l'acheter. Je connaissais l'auteur de nom, que j'associais au Club Dumas (1995). Et puis cette histoire parle de l'Espagne et de la France des Lumières, de l'Encyclopédie, etc. Bref, que des éléments qui ne peuvent que m'intéresser. Et je n'ai pas été déçu. Je n'irais pas jusqu'à parler d'un coup de cœur, il ne faut rien exagérer, mais j'ai passé un très bon moment en compagnie des personnages. Le but de l'histoire est d'apprendre comment l'Académie royale est entrée en possession de l'Encyclopédie. Dès lors, la fin est déjà connue, même si nous ne savons pas quels personnages vont s'en sortir. Deux académiciens sont chargés du voyage. L'auteur a décidé d'insister surtout sur deux d'entre eux, à mon sens : Rapuso, chargé d'empêcher leur expédition, et l'amiral don Pedro Zarate. Leur personnalité est plus travaillée, avec plus de nuances. Molina, le second académicien, ainsi que Bringas, leur guide durant leur séjour à Paris, sont plutôt caricaturés. Ce n'est qu'une impression de lecteur. L'histoire est assez simple et à la fois il se passe des choses. Dès lors, c'est très difficile d'en parler sans trop en dévoiler. Pour qui veut découvrir le Paris d'avant la Révolution, ce roman très cinématographique va vous passionner. Je recommande donc.
La seconde lecture est le Journal de Jules Michelet, paru chez Gallimard (avril 2017). Commencé depuis déjà pas mal de temps, j'en lis des bouts petit à petit. J'avais toutefois envie d'en parler. Jules Michelet (1798-1874) est considéré comme le « père de l’histoire de France ». Un titre un peu pompeux. Il existe des historiens depuis très longtemps. Sur la lancée d’une certaine école ecclésiastique, qui privilégie le document et l’analyse, certains historiens du XIXe siècle, de droite comme de gauche, mettent en avant les témoignages et les archives comme sources privilégiées pour l’écriture de l’histoire. Michelet est aujourd’hui critiqué pour sa propension à être plus littéraire que scientifique. Il enjolive, fait des contre-sens et beaucoup de ses positions ne sont plus d’actualité. Cependant, je crois nécessaire de défendre les historiens du passé, par rapport à l’arrivée dans les médias français d’une histoire des élites, des grands hommes et qui s’intéresse trop peu aux petites gens. Certes, lire des biographies est intéressant, de même que l’intérêt pour les élites permet de comprendre le cadre d’une société, mais il convient de se méfier d’une histoire qui ne se base que sur ces éléments. Il ne s'agit pas non plus de dire, lisez les historiens du XIXe siècle, c'est bien et correct. Non ! Le Journal, publié ici sous forme d'extraits, car l'original est immense, permet de voir vivre un historien du XIXe siècle, de le voir voyager, parler de ce qu'il voit, de percevoir ses conceptions sur la vie, sur les sociétés qu'il découvre, etc. Il aborde aussi ses travaux en cours. Bref, il est possible de comprendre ce qui est choquant et dépassé aujourd'hui dans la perception des choses par Michelet, mais aussi ce qui est novateur par rapport à l'époque.
Vous avez aussi peut-être vu que je lisais Les dynasties Qin et Han. Histoire générale de la Chine (221 av. J.-C.-220 apr. J.-C.) (Les Belles Lettres, février 2017), premier volume d'une série qui devrait en compter dix. Le premier livre dans lequel j'ai trouvé un anti-vol du même type que les grandes surfaces mettent dans les produits alimentaires. Pourtant, son prix (29,50€) n'est pas choquant comparé à ce qui peut se faire en Histoire lorsqu'il s'agit d'un beau-livre. Car celui-ci est assurément un bel objet, avec des illustrations couleurs. Je ne vais pas ici résumer le contenu du livre. Ma lecture est déjà lointaine et je n'ai pas pris de notes. Je peux faire quelques remarques. Sur la forme déjà, le découpage est assez clair. Du chapitre I au chapitre IV, nous avons une description chronologique des faits, avec les Qin, les Han occidentaux, les Xin et les Han orientaux. Ensuite, les chapitres V à X sont thématiques avec, par exemple, l'organisation de l'empire, la religion, les lettres... Le style général, sur le fond, est assez universitaire et se prête peu, je trouve, à une lecture fluide. Dès lors, cet ouvrage peut servir de manuel, même s'il apporte une qualité que n'ont pas les manuels, il aborde l'historiographie la pus récente, ne néglige pas l'archéologie. Il y a des annexes, avec notamment une table des souverains et une chronologie, ainsi qu'une bibliographie. J'hésite à en faire un compte-rendu détaillé car je ne suis pas du tout familier avec l'histoire et la culture chinoise. Je ne sais donc pas dire si ce livre apporte des choses nouvelles, même si sa lecture le laisse penser. Bien sûr, je n'hésiterais pas un seul instant à conseiller ce livre à tous, à la fois n'importe quel étudiant, afin d'avoir une ouverture sur d'autres cultures que la notre, mais aussi car c'est une entreprise éditoriale ambitieuse, assez inédite en français, qui mérite d'être soutenue (je ne doute pas que de nombreuses bibliothèques universitaires ce sont déjà procurées ce premier volume). A ma connaissance, à part pour l'histoire de France, un tel projet d'histoire collective, avec un aussi grand nombre de volume, n'a été mené pour aucun autre pays.
2. Les parutions
Alors là, je crois que je ne pourrais pas tout aborder. Il y a beaucoup de parutions en histoire lors de la rentrée littéraire. Il y a ceux que j'achète à coup sûr. C'est la parution d'un nouveau livre d'Emmanuel de Waresquiel, Fouché. Dossiers secrets (Tallandier, septembre 2017). Le titre n'est sans doute pas de l'auteur. J'ai commencé à le lire et c'est un bon complément à la biographie parue en 2014. D'ailleurs, je pourrais rencontrer l'auteur, qui viens présenter son livre à la Librairie Martelle à Amiens (librairie que je fréquente le plus).
Il y a aussi un bouquin sur un sujet qui m'intéresses depuis déjà pas mal d'années : la chute de l'empire romain. Sujet délicat et paradoxalement quelque peu politique. Parler d'une chute n'est pas anodin. L'idée de violence lui est souvent associée. Celle de déclin également. Bertrand Lançon tente d'en faire une synthèse, tout en prenant parti. L'auteur a aussi publiée une biographie sur l'empereur Théodose (Perrin, 2014).
Sur le même thème de la chute de l'empire romain, je citerais aussi la traduction française d'un classique (jamais lu car je suis trop mauvais en anglais), le Rome et les Barbares. Histoire nouvelle de la chute de l'empire (Alma Éditeur, octobre 2017) de Peter Heather. La publication originale date de 2005.
Ajoutons un livre que j'attendais depuis longtemps. La Mésopotamie, parue chez Belin ce mois dans la collection « Mondes anciens ». Après un volume sur la préhistoire et un autre sur l'Egypte ancienne, voici la découverte d'une autre culture antique, considérée comme ayant inventé l'écriture (même si elle partage cette invention). C'est un pavé de 700 pages, bien illustré, qui fera la joie d'un amateur de l'antiquité. C'est un bel objet.
J'en ajouterais encore quelques-uns. Une nouveauté de Jean-Clément Martin, spécialiste de la Révolution française, qui sort un bouquin sur la Terreur, dans la nouvelle collection « Vérités et légendes » chez Perrin (août 2017). Ce livre, que j'ai acheté bien sûr, comme d'ailleurs l'ensemble des livres présentés ici (ou presque), semble s'attaquer aux idées reçues concernant cette période hautement polémique et politique qu'est la Terreur. Et je crois qu'elle prends son sens à être écrite avec une majuscule. Il ne nie pas les crimes et les atrocités, qui sont indéniables, mais il remet tout cela dans son contexte, comme il le fait dans d'autres livres. J'avais eu l'occasion, en 2012, de rencontrer Jean-Clément Martin aux Rendez-vous de l'Histoire de Blois et il m'avait dédicacé son livre Contre-révolution, Révolution et nation en France, 1789-1799 (Points histoire, 1998).
Pour rester sur la période, je tiens à signaler une parution qui a été médiatisée, du moins dans les réseaux de vulgarisation historique, mais aussi plus largement : la sortie du manuscrit original du Mémorial de Sainte-Hélène (Perrin, octobre 2017). L'édition est très belle, mais aussi très chère (42€). La question que je me suis posé, sachant que j'ai l'ancienne version de l'ouvrage de Las Cases, c'est l'intérêt de posséder la nouvelle version en grand format, sachant qu'elle va certainement paraître un jour en poche. Tout d'abord, je crois que l'histoire du manuscrit est intéressante. C'est la copie de l'original par les Anglais, soucieux de se prémunir contre une utilisation erronée que pourrait en faire contre eux Las Cases, qui est parvenu jusqu'à nous. Las Cases n'utilisa pas son manuscrit afin de nuire à l'Angleterre, même si l'édition du XIXe siècle est une version remaniée de l'original, et la copie a longtemps dormi dans un fond privée. Le texte qui se présente au lecteur est déjà une version que Las Cases semble avoir retravaillé un peu au cours de son séjour sur l'île de Sainte-Hélène, mais qu'il n'a pu compléter, car confisqué à son départ. Dans cette présente édition, il y a mention des passages supprimé lors de la publication, et en notes, les erreurs de mémoire ou imprécisions factuelles de Las Cases. Pour tout passionné du Premier empire, mais surtout pour tout chercheur s'intéressant au XIXe siècle, c'est un document incontournable, auquel j'ajouterais les volumes des Mémoires de Napoléon, parues chez Tallandier et disponibles dans la collection de poche « Texto ».
Enfin, pour en terminer avec l'Histoire, même s'il y aurait sans doute d'autres ouvrages à évoquer (mais il me faut faire un choix), un livre collectif sur Le vrai visage du Moyen Âge. Au-delà des idées reçues (Vendémiaire, septembre 2017). Son titre est assez explicite quant au contenu. Sous forme de chapitres thématiques, ce livre se propose d'évoquer les connaissances des historiens sur l'université, sur la violence, sur l'hygiène, sur le servage, sur la place des femmes, etc. Chaque fois, le thème est abordé par un spécialiste de la question sous forme de questions-réponses. Cela donne un caractère oral qui est appréciable. Cela fluidifie aussi la lecture - de ce que j'en ai déjà lu - et rebutera sans doute un peu moins le néophyte passionné par cette période. C'est donc un condensé de l'histoire médiévale à la française. A ce titre c'est aussi une sorte de synthèse historiographique, qui pourra être très utile aux étudiants. En tout cas, si j'étais encore étudiant, je bondirais certainement sur cet ouvrage si je le trouvais dans les rayons d'une bibliothèque universitaire.
Je finirais cette recension des parutions, en changeant de domaine, et en allant vers la science, avec trois ouvrages. Le premier, Le secret de votre cerveau (Fayard, septembre 2017) de Stéphane Marchand, est mon livre de lecture dans les transports en commun. J'en suis déjà à la page 45, et je trouve ça passionnant, absolument lisible pour un néophyte en neurosciences. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Une discipline souvent méconnue, qui se médiatise peu à peu. Des médecins, des religieux mêmes, prennent les résultats en compte pour aider les gens souffrants grâce à la méditation et à des techniques relaxantes. Pour exemple, je crois que la sophrologie entre dans le champ de ses pratiques, à la fois recommandées comme soin d'appoint, ou pour aider les patients à supporter de lourds traitement, et remise en cause par des médecins comme n'étant qu'une pseudo-science. Ces pratiques reposent sur des techniques qui agissent directement sur notre conscient ou notre inconscient, et donc sur notre cerveau. Cette étude ambitionne, et semble y réussir, d'expliquer le fonctionnement du cerveau, ses capacités, mais aussi ses défauts, les maladies associées, les possibilités d'évolution (ou non), etc. Il ravira donc ceux qui s'intéressent à cet organe vital pour l'homme. L'auteur n'hésite pas à faire des comparaisons avec ce que nous trouvons chez d'autres animaux, et notamment les mammifères.
Le deuxième livre est celui de Bernard Chapais, Aux origines de la société humaine. Parenté et évolution (Seuil, octobre 2017), paru dans la collection « La couleur des idées ». Il n'est pas inédit, car édité en anglais en 2008, puis traduit en français en 2015, pour le Canada. Chapais aborde en fait une question technique, celle de la théorie de l'alliance de Claude Lévi-Strauss (1908-2009). L'idée centrale du livre, pour caricaturer, et ce que j'en ai compris en le feuilletant seulement un peu, c'est que l'Homme possède des traits communs avec les autres primates, mais ceux-ci sont devenus tellement complexe avec le temps qu'ils donnent l'impression que l'espèce est sortie de la nature. Une approche qui me semble fort passionnante, pour un auteur qui est primatologue et utilise ici les méthodes de l'anthropologie socioculturelle.
Enfin, je terminerais par un livre que je n'ai pas, mais que j'ai vu en librairie, de l'incontournable défenseur de la nature et passionné par l'Univers, j'ai nommé Hubert Reeves. Il publie Le banc du temps qui passe. Méditations cosmiques (Seuil, octobre 2017).
Et cette fois, pour terminer ce long article (comme souvent), un clin-d’œil que je ne peux m'empêcher de faire. Tout récemment, est sorti chez Bourgois Editeur, un nouveau texte de J. R. R. Tolkien (dont je suis un grand fan). Celui-ci s'intitule Beren et Lúthien.