Deux lectures de février 2020

Publié le 21 Février 2020

Voici deux lectures de février 2020 que j’évoque avec un peu de retard : « Histoire » par Guillaume Mazeau, un petit livre de 100 pages paru aux éditions Anamosa ce mois-ci, et « Les Templiers » par Xavier Hélary, lu dans l’édition de poche de chez Pocket, paru originellement chez First en 2018.

« Les Templiers », voilà un sujet qui, de prime abord, ne me passionnait pas. Mais, après la lecture du livre de Frankopan sur la Première Croisade, j’ai eu envie d’en savoir plus sur cet ordre de chevalerie, créé spécialement pour défendre les lieux saints et le Royaume de Jérusalem. De plus, l’auteur, Xavier Hélary, n’est pas un inconnu pour qui s’intéresse au Moyen-Âge et plus particulièrement à l’histoire militaire. J’avais lu, il y a quelques années, son livre sur « L’armée du roi de France » (Perrin, 2012).

Concernant les Templiers, le propos se veut plus accessible et même grand public. Le plan est chronologique et l’auteur s’attaque, dans les chapitres 8 et 9, au fameux trésor, ainsi qu’aux mythes et légendes qui entourent l’ordre. Nous voyageons dans le temps, de la création des Templiers par Hugues de Payns, en 1119 ou 1120, jusqu’à la chute brutale de l’ordre, un vendredi 13 d’octobre 1307, sous le règne du roi de France Philippe IV (1285-1314).

Je découvris, au fil de ma lecture, l’organisation de l’ordre, ainsi que la machine administrative et financière qu’il fallait mettre en place pour pouvoir supporter l’effort de guerre sur le front oriental. En effet, il fallait être capable de faire le lien entre l'Occident et l'Orient. Il y a bien d’autres éléments et personnages que je ne soupçonnais pas sur les Templiers, mais ça je vous laisse le découvrir par vous-même.

En bref : une lecture enrichissante, agréable quant au style, qui donne envie de creuser certains points, que vouloir de plus ?

« Histoire » est un peu différent et plus compliqué à résumer. En une centaine de pages, Guillaume Mazeau nous propose un texte assez riche en références et en idées. Je connaissais le nom de l'auteur pour son livre « Le bain de l'histoire » (Champ Vallon, 2009) sur Charlotte Corday, lu il y a dix ans, mais aussi pour ses prises de position contre Michel Onfray en 2010 (je crois), à propos de la même Charlotte Corday.

Si le XIXe siècle fût le siècle de l’Histoire, comme le rappel une citation de Gabriel Monod, que Mazeau reprend en ouverture de son petit essai, le XXIe siècle aussi fait un usage important de l’Histoire, que ce soit au travers des réseaux sociaux, des jeux vidéo, de la télévision, etc. Le rapport des universitaires avec ces usages populaires de l’histoire est décrypté également. L’auteur évoque même « l’histoire vivante » avec l’exemple du festival « Les historiques » de Montbazon. De même, l’évocation de la généalogie ne peut que ravir le passionné que je suis depuis plus de 15 ans. En effet, écrire son histoire familiale n’est plus inaccessible pour les plus pauvres.

Riche en références disais-je ? Parmi d’autres, sont citées les deux séries télévisées que sont « Rome » et « Les Tudors », que j’avais beaucoup aimé. La diversité des auteurs cités me plaît assez (sociologues, anthropologues, historiens…), ainsi que la diversité des sources (livres universitaires, articles de presse généraliste, articles de revues universitaires…). Il est même fait référence aux Gilets Jaunes !

La partie intitulée « Le poison identitaire » (p. 40 à 50) est intéressant à plus d’un titre, mais peu encourageant. Mazeau y montre l’usage que des régimes autoritaires, ou du moins « nationalistes », peuvent faire de l’histoire. Une petite anecdote sur Trump (p. 43), qui n’est cependant pas sourcée, m’a beaucoup fait sourire.

La partie suivante mérite de s'y arrêter, « Quand les peuples s’approprient l’histoire » (p. 51 à 71), où il est question, entre autres chose, d’Assassin’s Creed Unity (2014) ou de Wikipédia. Mazeau évoque aussi la mode actuelle consistant à conserver des objets anciens du quotidien. Des collectionneurs, écrit-il, qui « racontent et défendent une autre histoire de la vie quotidienne » (p. 56).

L’avant dernière partie, « L’histoire et son grand ‘‘h’’ minuscule » (p. 72 à 86) m’a aussi paru fort intéressante sur le fond, car il y est question des dangers pouvant menacer l’histoire en tant que discipline scientifique. Mazeau reste cependant optimiste. Je ne l’étais plus depuis longtemps, mais je n’avais pas vu les choses sous cet angle : « l’histoire n’est plus ce qu’elle était et c’est tant mieux : elle peut enfin se libérer du fardeau que constituait l’esprit de mission » (p. 75). Et il ajoute : « Le meilleur service que les historiens peuvent aujourd’hui rendre à la démocratie, c’est plutôt de donner les outils pour la faire vivre comme un espace critique » (p. 77). Mazeau en arrive naturellement à la question de la méthode, qui est au cœur de cette partie, car c’est un point très important (à mes yeux).

Une citation résume parfaitement ce qu’est cette méthode :

L’histoire ne doit pas avoir peur de son caractère hybride et profane : ce qui définit la bonne histoire, ce n’est ni un titre ni l’appartenance à un corps de métier, ce n’est pas l’application d’une théorie, mais le respect d’une méthode de travail qui, peu ou prou, fait l’objet d’un consensus depuis la fin du XIXe siècle. Une méthode reposant sur la critique des sources, l’apport de preuves et la visée de vérité

MAZEAU Guillaume, « Histoire », Anamosa, 2020, p. 77 et 78.

Un essai riche, intéressant, parfois surprenant en ce qui me concerne. Ce petit texte devrait être lu par les étudiants, les passionnés d’histoire ou même, encore plus, par les citoyens qui veulent avoir une vision un peu plus claire de la place de l’histoire dans notre société, de son usage et des dangers pouvant la menacer.

Rédigé par Simon Levacher

Publié dans #histoire, #historiographie

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