Aliénor d'Aquitaine par Martin Aurell (PUF, 2020)

Publié le 8 Mars 2020

« Aliénor d’Aquitaine » de Martin Aurell publié aux PUF. C’est adapté d’une version originelle sous forme de livre audio. L'auteur est connu pour son livre sur « L'Empire des Plantagenêts » (Perrin, 2002). Il a aussi écrit sur « La légende du roi Arthur » (Perrin, 2007) et un livre passionnant sur le savoir et l'aristocratie aux XIIe et XIIIe siècles, « Le chevalier lettré » (Fayard, 2011). Enfin, il s'est intéressé à la contestation des croisades dans un livre intitulé « Des chrétiens contre les croisades » (Fayard, 2013). Un historien surtout spécialiste des XIIe et XIIIe siècles, et donc fin connaisseur du contexte dans lequel s'inscrit la vie d'Aliénor d'Aquitaine.

 

Depuis peu, je m'intéresse de plus en plus à l'histoire des femmes. Non pas qu'elle ne m'intéressait pas avant, mais simplement parce que j'ai remarqué ma méconnaissance dans ce domaine. Un rapide survol du livre de Sophie Brouquet, « Capétiennes » (Ellipses, 2020), que je n'ai pas encore lu, m'a révélé mon inculture historique concernant les reines de France (mise à part les plus connues).

Contrairement à une idée reçue tenace, le Moyen-Âge (très long !) ne fût pas plus misogyne que notre époque. En tout cas, cette vision est le fait des sources dont les historien(ne)s disposent. Elles sont biaisées parce qu'elles émanent d'hommes ecclésiastiques (qui eux étaient souvent misogynes). Parler de féminisme au Moyen-Âge est tout aussi hasardeux, même s'il existait des femmes capables de défendre leur indépendance. En effet, les femmes de la noblesse étaient très souvent mariées de force pour des raisons patrimoniales, comme ce fût le cas pour Aliénor. Néanmoins, il est possible de reconstituer la vie de certaines femmes médiévales, la plupart du temps des nobles ou des moniales. Certaines furent même incontournable en leur temps.

Aliénor (1124-1204) appartient à cette catégorie des femmes "star" de l'époque médiévale. Sa longévité (80 ans) est à elle seule exceptionnelle. Elle fut duchesse d’Aquitaine, reine de France et reine d’Angleterre, grand-mère de plusieurs princes et princessessorte de reine Victoria du XIIe siècle. Répudiée par le roi de France, puis révoltée en 1173 contre son époux, le roi d'Angleterre, elle sera captive 15 ans, avant de servir ses fils Richard et Jean.

Martin Aurell, en quatre chapitres, brosse le portrait d'une reine qui a du défendre son duché (comme devra le faire Anne de Bretagne au XVe siècle). Une reine qui sera mère de trois rois et mariera ses filles à des rois ou des princes de haute naissance. Ainsi, sa fille Aliénor (1162-1214) sera la mère de Blanche de Castille (1188-1252), l'épouse du roi de France Louis VIII et donc la grand-mère de Louis IX.

Le premier chapitre (p. 17 à 44) concerne sa jeunesse et sa vie de reine de France. Aliénor est la fille du duc Guillaume X (mort en 1137). En 1137, alors qu'elle a tout juste héritée du duché d'Aquitaine, elle épouse le roi de France Louis VII. L'épisode principal de sa vie de règne c'est la Deuxième croisade (1146-1149), durant laquelle Aliénor va acquérir une mauvaise réputation. L'échec de la croisade est même attribué aux femmes. Certains chroniqueurs accusèrent Aliénor d'avoir eu des relations charnelles avec son oncle Raymond de Poitiers, prince d'Antioche, ce qui expliquerait la brouille de celui-ci avec le roi de France (et la crise conjugale entre Louis VII et son épouse). Les raisons du conflit sont plus pragmatique, Raymond reprochant surtout au roi de France sont entêtement à vouloir s'en prendre à Damas, alors une cité alliée.

Le second chapitre (p. 45 à 76) s'attache à relater les premières années d'Aliénor comme reine d'Angleterre. En 1152, peu après avoir obtenu l'annulation de son mariage d'avec Louis VII, la duchesse Aliénor épouse Henri Plantegenêt (1133-1189), qui n'est pas encore roi d'Angleterre. Elle lui donnera huit enfants. Henri devient Henri II en 1154. Martin Aurell revient sur ce qui est attendu d'une reine médiévale : en premier lieu donner au roi un héritier. Il est aussi question de Thomas Becket et de Guillaume le Maréchal (de qui Georges Duby a magistralement dressé le portrait). L'auteur aborde la question de la relation d'Aliénor avec ses filles : les aînées, Marie et Alix, nées de Louis VII, et Mathilde, Aliénor et Jeanne, nées d'Henri II. Enfin, Aurell évoque aussi le rôle de mécène qu'a joué Aliénor. 

Le troisième chapitre (p. 77 à 108) est consacré tout entier à la révolte d'Aliénor et de ses fils à partir de 1173. Cette partie est l'occasion pour Aurell de revenir, outre sur le détail des événements, sur les raisons de la révolte (jalousie ? Raisons plus politiques ?) et par ricochet sur la question de la misogynie médiévale. En filigrane, transparaît aussi la relation entretenue par Aliénor avec ses fils Henri (associé à son père en 1170 et mort avant lui en 1183), Richard (le fameux Richard Coeur de Lion) et Jean (plus connu sous le nom de Jean Sans Terre). La révolte est sans doute liée à des questions politiques, au premier chef desquelles l'autocratie d'Henri II, mais aussi l'absence de délégation du pouvoir à ses fils. Ainsi Henri, le fils aîné, est surnommé "le Jeune". Cela fait référence à son statut. Bien que marié à Marguerite de France, il n'a pas de principauté sur laquelle exercer son autorité et reste donc un éternel "jeune".

Le quatrième et dernier chapitre (p. 109 à 132) est consacré au veuvage d'Aliénor et à son rôle sous les règnes de ses fils : Richard (de 1189 à 1199) et de Jean (de 1199 à 1204, sachant que Jean a régné jusqu'en 1216). Aliénor a du s'employer pour préserver le royaume durant les longues absences de Richard pour la croisade et la guerre, notamment face à la révolte de son autre fils Jean. A la mort de Richard, la veuve doit choisir entre son petit-fils, Arthur de Bretagne et son fils Jean pour lui succéder sur le trône. Elle choisit Jean, pourtant très impopulaire. D'ailleurs, sous le règne de Jean, le royaume sera confronté à la rébellion d'Arthur, soutenu opportunément par le roi de France. Aliénor meurt en 1204, à Fontevraud, alors que la Normandie tombe aux mains de Philippe Auguste.  

En bref, le livre d’Aurell permet une bonne introduction à la vie de cette reine. S'ajoute au texte principal un arbre généalogique, une chronologie et une bibliographie succinte. Un point négatif, c'est que l’édition est émaillée de quelques coquilles, ce qui est dommage pour un livre à 14€. De plus, son caractère synthétique (148 p.) m'incite à recommander, pour les lecteurs qui veulent surtout approfondir sur la vie de cette reine, les ouvrages de Turner (Fayard, 2011) et de Hillion (Ellipses, 2015). Aurell cite ces ouvrages dans ses indications bibliographiques à la fin de son livre. Le texte présenté ici est aussi la transcription d'un format audio, ce qui se ressent parfois à la lecture. Si Aurell introduit de façon intéressante la vie d'Aliénor, du fait du format de l'ouvrage il ne peut pas approfondir. C'est là une limite de cette biographie.   

 

Rédigé par Simon Levacher

Publié dans #biographies, #histoire

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