Article revu et corrigé le 2 mai 2013.

Me voilà bien obligé de prendre la plume pour défendre Jean-Luc Mélenchon. Les mêmes personnalités politiques qui attaquent si doucettement le Front national, n’y sont pas allées de main morte avec le leader du Parti de Gauche. Mélenchon antisémite ? Et d’ailleurs, pourquoi est-il accusé de cela ? Simplement pour avoir dénoncé la faiblesse d’un ministre – en l’occurrence Moscovici – face à la finance internationale. Je crois, et ose espérer, qu’il est encore permis de donner son avis dans un pays « social-démocrate ».

La phrase qui a tout déclenché, bien sûr prise hors de son contexte, est celle-ci : « [Moscovici a le] comportement de quelqu'un qui ne pense pas français, qui pense finance internationale ». Sincèrement, qui y a-t-il de choquant là-dedans ? Rien, si ce n’est que Mélenchon affirme, avec raison, que Moscovici oublie bien trop rapidement de défendre les intérêts économiques des français, pensant d’abord à se faire bien voir de la finance internationale en mettant la France au premier plan. Or, ici, la « France » ce ne sont pas les français, mais le gouvernement. Il est vrai, Mélenchon a sans doute manqué de tact. La famille Moscovici est une famille installée il y a trois générations en France, avec un passé douloureux, comme la déportation d’un parent durant la Seconde guerre mondiale. Effectivement, Moscovici a pu mal le prendre. Toutefois, Mélenchon aurait pu dire ça d’un autre, si un autre était aux commandes du ministère. D’ailleurs, il n’a pas affirmé le contraire : « il s'agissait d'une appréciation totalement politique et qui n'a rien à voir avec la personne de Moscovici qui est interchangeable avec bien d'autres ».

Jean-Luc Mélenchon répond aux accusations d'antisémitisme

Jean-Luc Mélenchon répond aux accusations d'antisémitisme

Dimanche, lors du meeting de clôture du 3e congrès du Parti de gauche à Bordeaux, Jean-Luc Mélenchon, coprésident du Parti de gauche (PG), est revenu sur les accusation d'antisémitisme après...

http://www.lemonde.fr/politique/article/2013/03/24/jean-luc-melenchon-repond-aux-accusation-d-antisemitisme_1853424_823448.html

Il faut cliquer sur le lien en bas à droite.

Avant de continuer, replaçons-le ce contexte : « si Jean-Luc Mélenchon a utilisé des termes polémiques, il n'est pas le seul. Un dirigeant du Parti de gauche, François Delapierre a fustigé à la tribune du congrès "les 17 salopards de l'Europe", dont le ministre de l'Economie Pierre Moscovici, faisant référence à l'attitude des 17 gouvernements de la zone euro à l'égard de Chypre. Il a dénoncé le "coup d'Etat financier qui est à l'œuvre", y compris en Europe avec les récentes propositions concernant Chypre et les "17 salopards de l'Europe". "Dans ces 17 salopards, il y a un Français, il a un nom, il a une adresse, il s'appelle Pierre Moscovici et il est membre du Parti socialiste", a-t-il dit vivement applaudi par les 800 délégués. C'est à ce moment que Jean-Luc Mélenchon a sorti sa petite phrase qui a fait réagir le Parti socialiste. "Une très belle expression", dit en souriant aux journalistes Jean-Luc Mélenchon, en qualifiant le ministre de "petit intelligent qui a fait l'ENA" et qui "ne pense pas français, qui pense finance internationale". » (Grégory Rozières, 23 mars 2013, Huffington Post).

L'article a été modifié le 25 mars (le contenu de la citation ci-dessus n'y est donc peut-être plus)

L'article a été modifié le 25 mars (le contenu de la citation ci-dessus n'y est donc peut-être plus)

Polémique stupide ! Encore plus déplacés sont les propos de Harlem Désir à l’encontre de Mélenchon. Il l’accuse de se comporter en fasciste des années 30. Pour un Hitler, les juifs n’étaient même pas dignes d’être des Allemands. Mélenchon n’a rien affirmé de semblable. Il aurait pu dire, par exemple, que Moscovici a le comportement de « quelqu’un qui n’est pas français ». La tournure, ainsi faite, aurait été des plus déplacée et aurait laissée place à un amalgame douteux. J’ajouterais que si un homme politique devait se préoccuper et se renseigner sur la vie privée de tous les ministres et sur leur histoire personnelle, la vie politique deviendrait très vite sclérosée. Peser ses mots est une chose, s’abstenir de faire une remarque d’ordre politique en présupposant l’histoire personnelle de quelqu’un, c’est autre chose. Harlem Désir lui, ne pèse pas ses mots, accusant Mélenchon, sans preuves certaines, d’avoir tenu des propos antisémite. D’ailleurs, cette réaction du Parti socialiste est tout à fait conforme à la ligne politique de Hollande. Celui-ci n’a pas arrêté, durant sa campagne présidentielle de décrédibiliser les courants de gauche, et surtout d’extrême-gauche, écologistes compris. Bien sûr, le Front national, qui est antisémite, fasciste et anti-démocratique, n’est que mollement attaqué, pouvant tranquillement prendre des électeurs à la droite. Tout cela en terrain découvert !

Un autre point surprenant dans la réaction de Harlem Désir, des socialistes, mais aussi de la droite, c’est de dire de Mélenchon qu’il ne se comporte pas en « républicain ». Moscovici ne se comporterait pas en français, mais Mélenchon ne se comporterait pas en « républicain ». En fait, c’est le même type d’argumentaire utilisé contre l’extrême-droite. Le résultat, volontaire ou non, c’est de continuer à relayer un « rapprochement » très dangereux pour la démocratie : extrême-gauche et extrême-droite, c’est pareil ! Quel que soit notre opinion politique, il n’est pas sorcier de comprendre le « malaise » et le « haut le cœur » que soulève toute cette bêtise. Finalement, j’arrive, en quelques lignes, à renverser la balance et à renvoyer à Harlem Désir ses arguments. Mon raisonnement n’est d’ailleurs pas plus fondé que la polémique que je dénonce, à laquelle je participe par ce billet. En effet, puisque l’argumentaire du Parti socialiste est fondé sur une « appréciation » et une « interprétation » des propos de Mélenchon, je ne peux que répondre par une « appréciation » et une « interprétation » de ces arguments. Arguments qui sont déjà une « appréciation » et une « interprétation ». Du coup, je me retrouve à apprécier une appréciation et à interpréter une interprétation. Voilà où mène le raisonnement politique dans notre chère république démocratique.

Cela dit, il convient toutefois de revenir sur le fond de l’accusation d’antisémitisme, à mon sens une erreur d’appréciation (justement !). Bien sûr, si l’affaire était portée devant un tribunal, l’appréciation en reviendrait à un juge. En apparence, du moins telle que la polémique est relayée par les médias, elle apparaît fondée sur du vent. Aucuns éléments sérieux n’alimentent cette polémique de bas étage. Polémique toutefois bien utile en tant de crise politique car elle masque l’incompétence du gouvernement. La réplique des socialistes est bien montée : d’abord, ils affirment que Mélenchon est quelqu’un de sérieux qui pèse ses mots. Du coup, de ce fait, il ne peut être que responsable de sa soit disant « dérive nazi » (en suivant le raisonnement de Harlem Désir). Dès lors, aux yeux de l’opinion publique, ils amalgament Mélenchon (et son parti) à l’extrême-droite. Raccourci infondé et très facile à faire. C’est même une accusation très grave aux yeux d’un républicain (que je suis).

Par la suite, ils forment un bloc uni. C’est mieux de montrer que tous les socialistes sont outrés par ces propos. Ainsi, Manuel Valls monte aux créneaux et utilise le service public, en l’occurrence France 2 (voir ci-dessous), pour asséner un coup à Mélenchon : « s'il doit y avoir une alternance violente à ce que nous sommes en train de faire, elle viendra de la droite la plus dure, de l'extrême droite, elle ne viendra pas de la gauche ». C’est une affirmation ! Or, en jouant au jeu de l’interprétation, je peux m’amuser un peu. « L’alternance violente » ne viendra pas « de la gauche ». Sous-entendu, si Mélenchon devient verbalement virulent, il ne mérite plus d’être de gauche. Sous-entendu très grave ! Une autre interprétation est possible. Elle est plus réaliste aussi. Valls a tellement bien intégré la ligne politique de son parti qu’il nie toute opposition à gauche. Autrement dit, seul le Parti socialiste est une force de gauche valable. C’est là-encore un sous-entendu très grave ! C’est même antidémocratique puisque cela nie l’existence d’une pluralité d’opinions politiques à gauche. Vous voyez jusqu’où l’interprétation, subjective et arbitraire (ou presque) d'un propos pris hors contexte, peu nous mener.

Une petite sélection des interventions médiatiques des membres du gouvernement (ou pas) qui ont dénoncé Jean-Luc Mélenchon :

Un propos d'autant plus grave que toute cette polémique est fondée sur du vent et sur une déformation des propos de Mélenchon (voir la vidéo ci-dessous). D'après Michel Soudais de Politis, la phrase, retranscrite est la suivante : c’est un comportement de quelqu’un qui ne pense plus en français… qui pense dans la langue de la finance internationale. Ce n'est pas du tout la même chose que la phrase polémique. Cette grosse bourde journalistique n'est pas à l'honneur de l'Agence française de presse. C'est plutôt honteux. Mélenchon pourrait presque porter plainte pour diffamation et accusation mensongère. Après cela, je pense vous avoir montré qu’accuser le leader du Parti du Gauche d’être antisémite, c’est comme accuser Valls d’être antidémocratique. C’est complétement stupide dans les deux cas ! Bien sûr, cela éclaire un peu la bêtise d’un grand nombre d’hommes politiques (de "gauche" comme de droite). J’espère vous avoir fait un peu réfléchir sur la portée de cette polémique et sur la rhétorique politique de ce début de XXI^esiècle.

En complément, il faut lire l'article de Politis qui a dévoilé l'erreur (un fichier audio vient appuyer le démenti)

Ce qu'a VRAIMENT dit Mélenchon... - Politis

Ce qu'a VRAIMENT dit Mélenchon... - Politis

Le co-président du Parti de gauche n'a pas tenu les propos qu'on lui prête depuis 24 heures pour l'accuser de tenir un " discours des années 30 " et d'avoir versé dans " l'antisémitisme " en p...

http://www.politis.fr/Ce-qu-a-VRAIMENT-dit-Melenchon,21436.html